Loi « bien vieillir » du 08 avril 2024

Après plus de 16 mois d’examen et de nombreux amendements, la loi « bien vieillir » a été promulguée le 8 avril 2024 et publiée au Journal Officiel du 9 avril 2024.

Le texte adopté comporte 40 articles (voir sommaire ci-dessous) et sera suivi de nombreux décrets d’application.

La loi comprend différentes mesures pour prévenir la perte d’autonomie, lutter contre l’isolement des personnes âgées ou handicapées, mieux signaler les maltraitances et faciliter le travail des aides à domicile et des dispositions sur les Ehpad et l’habitat inclusif complètent le texte.

1.    Prévention de la perte d’autonomie et lutte contre l’isolement

La loi prévoit l’organisation au moins tous les trois ans d’une conférence nationale de l’autonomie, sur le modèle de la conférence nationale du handicap, « afin de définir des orientations et de débattre des moyens de la politique de prévention de la perte d’autonomie ».

Elle crée un service public départemental de l’autonomie (SPDA) pour les personnes âgées et handicapées et les proches aidants, sorte de guichet unique afin de simplifier leur parcours usager et de garantir que leur maintien à domicile est soutenu. Des conférences territoriales de l’autonomie seront chargées de piloter le dispositif dans les départements et d’allouer les financements nécessaires. Des commissions pourront être mises en place au niveau infra-départemental.

Afin de lutter contre l’isolement social des personnes âgées ou handicapées et mieux les informer, par exemple, en cas de crise sanitaire ou de canicule, les services sociaux et sanitaires pourront accéder aux registres des personnes vulnérables tenus par les mairies. De leur côté, les mairies pourront accéder aux fichiers des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), sauf opposition de leur part.

Pour agir le plus en amont possible dès les premiers signes de la perte d’autonomie, le programme Icope est généralisé (test réalisable sur une application mobile permettant d’auto-évaluer ses capacités). Les rendez-vous de prévention, qui seront bientôt proposés aux 60‑65 ans et aux 70-75 ans, devront contribuer à ce programme.

Dans le but d’améliorer l’accès aux aides techniques, les équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT), actuellement au nombre de 24, seront généralisées à partir de 2025. Ces équipes composées d’ergothérapeutes et de travailleurs sociaux offrent un accompagnement de proximité. Elles sont indépendantes de toute activité commerciale concernant les aides techniques.

L’article 10 de la loi, issu d’amendements, prévoit d’ici fin 2024, puis tous les cinq ans, une « loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge« , qui devra déterminer la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie. Au cours de la discussion parlementaire, la Première ministre Élisabeth Borne s’était engagée sur cette loi. Plus récemment, la ministre du travail, de la santé et des solidarités a de nouveau pris cet engagement.

2.    Maltraitances et droits des personnes en établissement

La prévention et la lutte contre les maltraitances font l’objet de plusieurs mesures.

Les personnes hospitalisées ou prises en charge en établissement de santé ou en Ephad devront être invitées à désigner une personne de confiance (parent, proche ou médecin traitant). Son rôle est précisé.

Les personnes hébergées en établissement de santé ou en Ephad se voient reconnaitre un droit de visite quotidien de toute personne qu’elles consentent à recevoir, sans information préalable de l’établissement. Un droit absolu de recevoir une visite quotidienne est reconnu aux personnes en fin de vie ou en soins palliatifs, même en cas de crise sanitaire.

Le droit pour les résidents en Ehpad d’accueillir leur animal de compagnie est aussi garanti, sous certaines réserves : capacité à assurer les besoins de l’animal et respect des conditions d’hygiène et de sécurité. Un arrêté du ministre chargé des personnes âgées doit venir déterminer ces conditions et les catégories d’animaux qui peuvent être accueillis. Il pourra prévoir des limitations de taille par catégories d’animaux.

Une cellule de recueil et de traitement des alertes en cas de maltraitance de personnes âgées ou handicapées vulnérables est instituée au niveau départemental. Ces cellules devront notamment centraliser les signalements adressés au numéro d’alerte national 3977 (réseau ALMA), créé en 2008. Toute personne ayant connaissance de faits constitutifs d’une maltraitance peut les signaler.

Les missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont précisées. Un registre national de toutes les mesures de protection, regroupant les mesures ordonnées par le juge (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale) et les mandats de protection future sera créé, au plus tard fin 2026.

3.    Mesures en faveur des aides à domicile

Une carte professionnelle sera délivrée d’ici 2025 aux aides à domicile intervenant auprès des personnes âgées et handicapées, sur le modèle du caducée des médecins.

Des aides financières de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sont créées au profit des départements qui soutiennent les déplacements (en voiture ou en transports en commun) des aides à domicile (y compris l’obtention du permis de conduire) et favorisent des temps collectifs d’échanges entre professionnels de l’aide à domicile. Les conditions du versement de ces aides aux départements doivent être fixées par décret.

À titre expérimental, la loi ouvre la possibilité pour dix départements de remplacer la tarification horaire des services d’autonomie à domicile par une tarification globale ou forfaitaire. Cette expérimentation doit avoir lieu de 2025 à fin 2026.

4.    Activités et régulation des Ehpad

Dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement, la loi supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants. Par ailleurs, les enfants d’un parent condamné pour crime ou agression sexuelle contre l’autre parent ou les enfants qui ont été retirés de leur famille pendant un certain temps seront dispensés d’aide alimentaire.

De nombreuses dispositions traitent des Ehpad. Les Ehpad publics autonomes devront coopérer dans le cadre de nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS). Le forfait soins des établissements pourra être mobilisé pour financer des actions de prévention de la perte d’autonomie. Les Ehpad habilités à l’aide sociale pourront bénéficier d’une souplesse encadrée dans la fixation de leurs tarifs d’hébergement.

Pour accorder un peu de répit aux proches aidants ou rassurer les personnes âgées vivant seules, les ARS pourront instaurer un quota minimal de places réservées à l’accueil de nuit dans les Ehpad et dans les résidences autonomie, à titre expérimental de juin 2024 à juin 2026.

Les règles sur l’évaluation de la qualité dans les Ehpad et autres établissements sociaux et médico-sociaux sont confortées. Afin de renforcer l’information des usagers et des familles sur la qualité de la prise en charge des résidents, un décret devra définir les conditions de publication par la CNSA d’indicateurs relatifs à l’activité et au fonctionnement des Ehpad (notamment en termes de budget et de personnes employées).

D’autres mesures intéressent le contrôle des Ehpad : déclaration des prises de contrôle des gestionnaires d’établissements à l’autorité de tutelle, qui pourra s’y opposer dans les deux mois ; échanges d’informations facilités entre les agences régionales de santé (ARS), les départements et la répression des fraudes…

Les règles relatives à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés en Ehpad seront fixées par un cahier des charges établi par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l’alimentation. L’objectif est de prévenir et de lutter contre la dénutrition.

 5.    L’habitat inclusif

La loi contient un dernier volet sur l’habitat inclusif (mode de vie partagé librement choisi par des personnes âgées ou handicapées).

CONCLUSION :

Comme l’affirme le député socialiste de l’Essonne, Jérôme Guedj, est-ce  » une petite loi sympathique avec des mesurettes  » ?

Elle n’est certes pas la fameuse loi « Grand âge » qu’Emmanuel Macron avait promis en 2019, et ne répond pas à l’urgence de la situation actuelle (crise de vocations dans les EHPAD et dans les Services d’aide à la personne, qualité des services d’accompagnement, mesures tarifaires, etc.) et à l’ampleur des défis à relever.

Néanmoins, ce texte utile doit être vu comme une première étape d’un parcours pour renforcer sur le long terme le secteur du «Grand-Âge». Souhaitons que, face à l’urgence, le Gouvernement prenne prochainement des initiatives pour des mesures complémentaires qui s’imposent dans l’intérêt de tous.

Notre pays vieillit. Selon l’Insee, 21,3% des habitants ont 65 ans ou plus en France au 1er janvier 2023. D’ici 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans.

SOURCES :

·         Vie Publique (https://www.vie-publique.fr)

·         Légifrance : LOI n°2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie.

·         Assemblée nationale (Dossier législatif) : Mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France.

 

 

Loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie

(Sommaire article par article)

  • Article 1er : création d’une conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie et d’un centre national de ressources probantes
  • Article 2 : création d’un service public départemental de l’autonomie
  • Article 3 : généralisation du déploiement des équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques
  • Article 4 : renforcement de la cohérence et la complémentarité entre les schémas régionaux de santé et les schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale
  • Article 5 : adaptation à Saint-Martin de la composition du CDCA et du statut de la MDPH
  • Article 6 : groupement territorial social et médico-social (GTSMS)
  • Article 7 : création d’une mission nationale d’audit et d’évaluation pour accompagner les départements et les MPDH dans la gestion des prestations
  • Article 8 : utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement des personnes
  • Article 9 : généralisation du programme ICOPE (repérage précoce des fragilités)
  • Article 10 : adoption d’une loi quinquennale sur le grand âge avant le 31 décembre 2024
  • Article 11 : lutte contre la maltraitance et droit de recevoir des visites en ESMS
  • Article 12 : contrat de séjour : recueil du consentement des personnes accueillies en ESMS en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif
  • Article 13 : renforcement du dispositif d’alerte en cas de maltraitance
  • Article 14 : évolution des compétences et de la composition de la conférence nationale de santé
  • Article 15 : missions de la protection juridique des majeurs, notamment en cas de maltraitance
  • Article 16 : renforcement du contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant en ESMS
  • Article 17 : dérogations pour adapter le dispositif de protection juridique des majeurs
  • Article 18 : création d’un registre général de mesures de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale et mandats de protection future)
  • Article 19 : expérimentation d’une carte professionnelle de l’aide à domicile
  • Article 20 : création d’une aide financière annuelle pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l’aide à domicile
  • Article 21 : expérimentation d’un financement alternatif à la tarification horaire pour les SAAD
  • Article 22 : mesures d’assouplissement de la réforme des services à domicile
  • Article 23 : suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement (harmonisation)
  • Article 24 : possibilité de moduler le tarif hébergement en EHPAD pour les non bénéficiaires de l’aide sociale
  • Article 25 : financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie dans les forfaits soin des EHPAD
  • Article 26 : garantie pour les résidents d’EHPAD de pouvoir accueillir leur animal de compagnie
  • Article 27 : expérimentation d’un quota de chambres d’EHPAD réservées à l’accueil de nuit
  • Article 28 : fixation des places d’accueil à titre temporaire en fonction des capacités disponibles des établissements
  • Article 29 : exclusion des USLD du renforcement du rôle du médecin coordonnateur en EHPAD (mesures de la loi sur l’accès aux soins)
  • Article 30 : mesures en faveur de l’amélioration de la santé nutritionnelle des résidents d’EHPAD
  • Article 31 : abrogation d’une disposition obsolète du CASF
  • Article 32 : Renforcement de l’évaluation de la qualité dans les ESMS
  • Article 33 : capacité de sanction conférée aux agents de la DGCCRF dans le cadre du contrôle des prestations des EHPAD
  • Article 34 : échanges d’informations entre autorités de contrôle des établissements pour personnes âgées et handicapées
  • Article 35 : renforcement de la surveillance des opérations de prise de contrôle des EHPAD
  • Article 36 : possibilité de location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif
  • Article 37 : règles applicables à l’habitat inclusif en matière de sécurité incendie
  • Article 38 : suppression des seuils maximaux d’accueil des personnes les plus dépendantes dans les résidences autonomie
  • Article 39 : ouverture de la location ou la sous-location dans le logement social à des personnes salariées vivant dans l’habitat inclusif
  • Article 40 : renforcement du déploiement de l’habitat inclusif sur l’ensemble du territoire

 

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